Abbatiale d'Airvault

L'orgue à cylindre

avant sa restauration

Avant sa restauration, l'orgue était placé à la tribune de l'abbatiale. Il était caché derrière une montre (façade constituée d'un jeu de principal de 8 pieds) qui était rattachée à l'orgue par des conduites souples en plastique qui faisaient partie d'un système de traction pneumatique.

Souvent, les orgues à cylindre étaient placés derrière une façade de  tuyaux factices ;

 à Airvault, il s'agissait d'un vrai jeu d'orgue destiné à donner du corps à cet instrument 

petit par rapport aux dimensions de la nef.

 

L'orgue en cours de démontage pour restauration.

Sans doute  est-ce l'existence du clavier manuel qui a sauvé cet instrument. Très souvent, les orgues à cylindre ne disposaient que du mécanisme de lecture des rouleaux. Après la promulgation du Motu Proprio par le pape Pie X, en 1903, qui condamnait la "musique théâtrale dans l'Eglise", les cylindres ont été abandonnés et rangés dans leurs boîtes d'origine. Là où on ne disposait pas d'un clavier manuel, on négociait la vente de la tuyauterie et peut-être du buffet contre l'acquisition d'un harmonium, instrument alors en vogue.

A Airvault, nous supposons que l'organiste a demandé l'agrandissement du clavier à 54 notes, car si les 37 dont il disposait  lui permettaient d'accompagner les chants de l'office,  il pouvait difficement interpréter des pièces d'orgue.

La photo montre bien l'ajout des 17 notes.

L'orgue à cylindre a donc été transformé en un orgue à un clavier sans pédalier. 

Les  cylindres ont  été conservés dans  leurs caisses et on a ainsi pu envisager un 

retour à l'état d'origine.

Les. tuyaux supplémentaires avaient été placés  sur un petit sommier rajouté dans un espace libre en haut du buffet.

L'orgue avant restauration vu de dos.

On voit bien les tuyaux rajoutés sur le petit sommier.

On avait installé un  jeu de cromorne  pour remplacer un jeu de clairon d'origine.

On remarquera le faisceau de tuyaux en plastique qui partent de l'orgue pour faire parler les tuyaux de montre et la soufflerie manuelle qu'ont manœuvrée de nombreux enfants airvaudais.

La laye avant restauration : la partie haute correspondant au système de lecture des cylindres avait été condamnée avec du papier collé. Seules étaient restées les soupapes de la partie basse correspondant au clavier manuel.

L'orgue à cylindre

La restauration

 

La restauration de l'orgue à cylindre a été supervisée par Roland Galtier, technicien conseil. Après appel d'offres, c'est à Alain Faye, facteur d'orgues, qu'a été confiée la restauration de l'instrument et des cylindres. 
Comme le montrent les photos ci-dessus, la barre de lecture avait disparu et il fallait donc retrouver la place exacte de chaque touche avec sa griffe, travail qui ne supporte pas la moindre approximation. Alain Faye écrit : « La première démarche est de retrouver la division des pointes de lecture. Pour cela, il faut relever cette division sur les cylindres, le but étant de repérer pour chaque note où se trouve la première piste sur laquelle sont plantés les picots. Pour confirmation de cette division, on peut repérer par exemple des accords sur des valeurs longues, ou répétés, où l'on trouve des espacements d'octaves, de quintes, etc. On voit alors que la division n'est pas régulière d'une note à l'autre. Elle varie ici de 28,1 à 35,5 mm, en moyenne 29,5 mm. »

Alain Faye écrit : « Matériellement, la barre de lecture a été reconstruite à partir d'un collage de barres de peuplier, avec un placage de noyer de 8 mm sur deux faces. La face avant est renforcée d'un peigne de laiton de 2 mm d'épaisseur dans lesquels sont fraisés les passages des touches. Les touches elles-mêmes sont en noyer, munies des pointes de lecture en acier, et articulées sur une sorte d'agrafe passant dans un palier en laiton avec très peu de jeux. Ce sont les passages dans le peigne qui limitent le jeu latéral. » 

La photo ci-dessous illustre ce propos ainsi que le précédent. Une erreur minime dans l'écartement de pointes de lecture donnerait pour résultat musical un mélange d'airs voisins, une musique polytonale étonnante pour l'époque !

 

Cette photo montre dans sa partie supérieure la barre de lecture : à la queue de chaque touche  est collé  un pilote vertical sur un morceau de peau qui sert d'articulation. Lorsque la touche est actionnée, le pilote pousse sur une soupape (photo ci-dessous) qui ouvre le passage de l'air et déclenche la note.

Le facteur d'orgues est en train  de monter les pilotes du clavier manuel agissant sur le rang de soupapes inférieur.

De chaque côté de  la barre  ont été placés des ressorts à lame  qui servent de presseurs et des vis de butée permettant le réglage en hauteur de la barre.

La manivelle fait tourner une vis sans fin usinée en bronze qui est pressée contre l'engrenage (ou couronne) du cylindre.

On voit sur certains engrenages des parties réstaurées. En effet, Alain Faye a dû réparer des couronnes émoussées à cause de l'usure. Peut-être qu'avec l'humidité, certaines pièces avaient gonflé et qu'on avait forcé le mécanisme. Voici ci--dessous une couronne qui avait souffert et sa restauration. Les dents ont été reconstituées par des greffes de bois et retaillées. Ces opérations ont été suivies d'un traitement insecticide.

Les picots, sortes d'agrafes en laiton plantées dans le bois du cylindre, soulèvent les touches à leur passage. Chaque picot doit être rigoureusement planté à sa place exacte pour que la note soit jouée au bon moment, sinon, c'est un  «couac » ; nous en avons un à la fin d'un morceau de communion, une note de trop pas dans la tonalité de la pièce, mais nous avons laissé ce picot mal placé, suivant le conseil d'Alain Faye qui nous a fait valoir qu'il s'agissait là d'un couac historique !

Ces picots, dont le nombre varie de 3200 à 4000 par cylindre, avaient  subi des déformations plus ou moins importantes : dans la plupart des cas, ils ont été enlevés et redressés. Certains pontets cassés ont été remplacés en fil de laiton laminé. Des picots disparus ont été reconstitués sur les empreintes encore présentes sur les cylindre.

Ces travaux ont ensuite été vérifiés à l'oreille en jouant les cylindres sur l'orgue.

La photo ci-dessous montre un exemple flagrant mais exceptionnel du problème.

Les cylindres sont faits de planches de peuplier assemblées autour d'un noyau carré ; l'intérieur est creux.

Le cylindre repose sur un chariot par deux axes en laiton ou en bronze dont l'un est usiné et muni d'un filetage ou de crans.

Dans l'axe de gauche est creusée une gorge en spirale. A droite, l'axe est creusé de dix crans.

Alain Faye a complètement refait ce mécanisme qui permet dans sa partie haute de soulever la barre de lecture comme on soulève le bras qui lit nos disques vinyle. La partie basse consiste en un couteau en acier.

Lorsqu'on installe dans l'orgue un cylindre à crans, on baisse le couteau  dans l'un des dix crans  (selon l'air que l'on veut jouer). Ce cylindre tourne alors sur lui-même sans se décaler, autant de fois qu'on le souhaite ; on utilise ce système pour les airs comprenant plusieurs couplets. On fait autant de tours que l'on veut jouer de couplets. Cela signifie qu'un couplet doit avoir été calculé pour durer exactement un tour, ce qui exige un beau savoir faire ! Pour changer d'air, on décale le cylindre et on installe le couteau dans un autre cran.

Dans le cas d'un axe en spirale, le couteau oblige le cylindre à se décaler progressivement vers la gauche en même temps qu'il tourne sur lui-même. Contrairement à la situation précédente, on ne revient jamais à la même position, comme lorsqu'on lit un disque vinyle. On pourrait donc y installer un air qui durerait le temps que se déroulent les dix tours du cylindre. (environ 7 mn) 

Nous l'avons dit, un cylindre est constitué de quatre planches. Les joints entre les planches doivent être parfaits. On voit sur la photo ci-dessus que des picots chevauchent ces joints. Sur deux cylindres, pour des raisons trop longues à expliquer, des joints posaient problème et Alain Faye a dû partiellement ôter des picots dans ces parties défectueuses pour pouvoir rattraper l'affleurage des rives. Ces picots temporairement placés sur une plaque de mousse ont ensuite été replacés dans leurs empreintes.

Toutes les opérations de restauration que nous venons de décrire concernent la partie lecture des cylindres. Alain Faye est aussi intervenu sur la soufflerie, le sommier, les mécanismes des registres etc...mais nous nous en sommes tenus dans cette page aux parties spécifiques d'un orgue à cylindre.

Le facteur d'orgue a livré l'instrument en décembre 2011. 

Néanmoins, il restait un travail important à faire : on avait trouvé dans des archives le contrat de vente de cet orgue et ce document donnait la composition d'origine de l'instrument qui confirmait que les jeux de tierce, larigot et cromorne étaient  des pièces rapportées qui avaient remplacé un jeu de sifflet (1'), une flûte de 2' et un clairon de 4'.

Grâce à la proposition d'aide de la Caisse régionale de Crédit agricole qui a été suivie par la mairie, la D.R.A.C. et le Conseil départemental, l'échange de ces jeux a été réalisé par Alain Faye et l'orgue à cylindre d'Airvault est maintenant au plus près de sa composition d'origine : toujours grâce à l'aide du Crédit agricole, un enregistrement VOIX et ORGUE A CYLINDRE  vient d'être réalisé par l'ensemble Vox Cantoris dirigé par Jean-Christophe Candau. On peut écouter cet ensemble qui avait donné un concert à Airvault en octobre 2013 sur la page vidéos.

 

Composition de l'orgue :

 

Bourdon    8'

Prestant    4'

Flûte         4'

Nazard     2/3

Doublette  2'

Flûte         2'

Sifflet        1'

Clairon     4'